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1 mai 2011 7 01 /05 /mai /2011 22:14

je n'ai jamais connu de ville plus masculine que Cuzco  
son nom El Cuzco, que guetta le baptême, forcé par la flamme et les signes noirs que bavaient les Conquitadores
Cuzco restait alors, guerrier à terre, guerrier de murailles aux visages d'angles morts
nulle douceur en Cuzco, sinon celle d'un émerveillement rageur qui veut combler des plaies de fontanelle
El Cuzco sur le nombril du monde,  fleuve de métal et d'indiens martelés, dévale chaque soir les rues luisantes et noires
je voulais écrire tout ce que Cuzco me donnait comme se donnerait un amant blessé qui ne sait s'accomplir, un amant châtré casqué de lumière verte  
je lisais dans le Canto General, sur les hauts de Cuzco, ce qu'on lit dans les entrailles du temps  
l'odeur sourde, la purulence, et la magnificence des lettres, des visages, des bijoux d'or patiné que l'Inca jette avec dédain sur la face grotesque du bourreau  
je lisais avec mes pieds, cherchant la nervure des artères, des os, des ravinements de peau, dans l'entrelacs des chemins de Cuzco  
je lisais sur le ciel embrasé du premier jour de l'an, où la fureur d'éclat, la fureur du jaune éclat fait renaître le soleil en plein minuit  
je lisais une autre langue écrasée sur le basalte de Sacsayhuaman, perdue dans les fontaines de Tambomachay, gravée sur les remparts de Pisaq, une langue insensée qui ne sait pas me dire ce qu'il faut dire à l'enfant du passé
à l'enfant mâle disparu, comme tous les premiers nés, qui ne verront jamais le jour natif de Cuzco entre deux pierres de lave rose que déchire la croix d'une épée  
le jour d'un autre jour qui donne sa naissance à la route de Macchu Pichu, à la splendeur d'une femme de pierre et de forêt matricielle que les lianes ont sauvé de la Foi

 

 

macchupichu02

 

à la mesure solaire du Macchu Pichu

 

cuzco02

 

Au jour de l'an Cuzco se pare de jaune

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 15:15

dans le bus , la fille a fermé son visage, a dit d'une voix grinçante
Tiwanaku, c'est moins que rien, un pet de sable qu'on oublie aussitôt
la route était noire des pluies à venir
sur le bord de la plaine immobile les volcans accrochaient un soleil fulgurant
mais elle ne les voyait pas, la fille
elle parlait et chassait à l'envers du voyage,
les visions lointaines, les odeurs de terre, l'infinie platitude de la ville qui égratigne à peine la bosse du champ sacré
il a fallu s'évader des paroles sans couleur,
revenir à l'assemblage des pierres rouges, des visages scellés dans les murs, des fleurs dont la durée passe de graines en graines, depuis le temps
oublier la litanie d'indigence sur les routes de Tiwanaku, dans la mémoire des arcs chaotiques, des autels, des éclairs d'oiseaux jaunes, des silences de gravier, des herbes dures où crissent les chants d'autres langages
j'avais marché sur l'écho d'un mot perdu qui se nomme Tiwanaku, et le retour avait durci le ton
faubourgs de misère, boues de piétinements, route sans avenir
mais au soir
sur le bord de la plaine immobile
l'Illimani fut une lance de cuivre doré
déchirure de topaze au fin fond du néant
porte de soleil à la hauteur ultime qui fracassait la désespérance et vengeait de la médiocrité

 

tihu.34

 

d'autres images de Tihuanaku : album

 

Tiwanaku est une civilisation bien antérieure aux incas qui dura près de 1500 ans, depuis les bords du lac Titicaca jusqu'au Chili et au Pérou , et dont l'apogée se situe entre 500 et 1100 ap JC.

Les ruines de Tiwanaku ne sont pas aujourd'hui entièrement exploitées, elles dénotent un haut niveau d'architecture; de nombreux objets artisanaux, ainsi que des traces de système agricole sophistiqué, témoignent d'un passé qui a beaucoup appris aux Incas qui lui ont succédé

.

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30 mars 2011 3 30 /03 /mars /2011 21:06

Son nom de bonbon cache un jeu complaisant où la terre se divise
j'ai goûté au souffle de sa langue cognant les dents éclatantes et carnassières des rues, des monuments, des colonnades coloniales
goûté la magnificence des églises où l'argent et les joyaux ruissellent en offrandes torturées
goûté l'ordonnance des jardins, des arches de pierre, des climats qui coulent en gorges douces
Sucre est un puits à la ceinture de marbre où l'Histoire bouillonne de ses noirceurs secrètes
qui a le droit pour elle, et la fierté de ses indépendances
la lumière matinale de Sucre s'oppose à l'enceinte nocturne des montagnes rouges, où le sang de la haine illumine les crêtes
entre deux mâchoires, le loup ne choisit pas son camp, il danse sur les ruines et mord, lui aussi, dans le tissé multiple des manteaux indiens, qui racontent, qui se taisent, et strient de cent couleurs les ruelles blanches de la ville endormie,
jusqu'au bord de la terre désolée

 

 

Suc.17

 

d'autres images de la ville de Sucre et du village de Tarabuco : album

 

Tar.04

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29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 22:14

Uyuni est un monde plat où s'évase un miroir qui file vers on ne sait où
le train se rouille aux confins du désert, et la saison chargée d'orage aplanit la couleur outragée des couches minérales
d'un seul coup, il n'y a plus rien que l'eau amère, un vernis tiède qui colle aux deux mains, ciel et terre encordés

c'est un pays qui peut rendre fou, un pays de lenteur qui torture à petites frappes, à petits flocons, goutte à goutte sur le silence argent de l'horizon
jamais le ciel d'un lieu n'a donné son nom à tant d'incertitude : je me prends la mémoire dans les reflets du temps courbé, tous regards confondus par le sel des mirages
qui tombent et glissent jusqu'au désert de Dali, de Tanguy, de Magritte que les pierres éclatées font émerger de lagunes surréelles

un vol de flamands déchire l'imprécision du jour: les couleurs et les pierres s'ordonnent et se rehaussent quand l’œil ouaté de neige ajuste son fard de sable noir
la ville s'ouvre à tous les vents, jusqu'à quelle imaginable confluence ?
jusqu'à quelle déraison ?

 

Uyu.14

d'autres photos du Salar et du Sud Lipez en Bolivie : album

 

images à comparer peut être avec ce tableau d'Yves Tanguy... il y a un désert dans le sud Lipez, donc, qui se nomme "désert de Dali", mais c'est au peintre breton que je pensais sur le Salar

 

tanguy_jour_de_lenteur

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 20:26

Potosi est un caillou de lune, une scorie de forge plantée au cœur des glaciers
Sur ses flancs coulent la neige, la boue et le sang de la terre : un minerai mille fois corrompu que buvait le conquérant à même les calices, à même les autels, pour faire briller son ignorance
Potosi est l'étoile tombée d'un épuisement de ciel, joyau de lumière grise qui poudre la gorge et les yeux morts, la pelle et le chariot, l'ombre des bougies d'enfer et la mèche courte des dynamiteurs ivres
Son nom je l'ignorais, Potosi, son nom caché, son nom de honte et de tonnerre, nom d'opulence et de lâcheté, qui faisait de la ville une esclave déguisée, un habit de couleurs sur ses jupons de lave, un habit de putain sur son ventre béant
merveille et désolation, bras dessus bras dessous passent à travers les rues de Potosi : le fardeau à l'épaule de l'indienne, le rire cuivré des adolescents, les uniformes de la soumission, les égouts dévalant le parvis des églises, et l'argent, et l'argent que verdit la coca
mais chaque jour le diable saute et danse sur les entrailles de Potosi, cherchant son destin dans le filon croisé du plomb et de l'amiante, dans le fil coupé d'un temps de larme où le charango casse sa dernière note
encore plus métallique

 

 

Pot.50

 

 des images de Potosi


La ville de Potosi en Bolivie a été fondée au 16è siècle par les espagnols autour d'une énorme mine d'argent située dans la montagne qui domine la ville (le Cerro Rico). Cette mine fournira à l'Espagne durant deux siècles une incommensurable richesse. Elle sera aussi l'occasion d'une exploitation esclavagiste des indiens de la région, mais aussi d'une bonne partie du Haut Pérou, qui seront arrachés à leurs terres pour venir travailler dans des conditions effroyables.

Après épuisement de l'argent, on y trouva de l'étain. Aujourd'hui encore, bien qu'il n'y ait plus grand chose à tirer, les habitants sont organisés pour exploiter de maigres filons, de façon encore dangereuse et très précaire.

La ville de Potosi a gardé de son ancienne splendeur de très beaux monuments, des musées intéressants, et un charme auquel on ne peut demeurer insensible. Elle est classée au patrimoine mondial de l'Unesco

 

 

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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 22:49

la paix aux ailes clouées par l'acuité des pierres
la paix des milliers de pigeons soumis à la surabondance des eaux pluviales
la paix des tourbillons de briques, réfractaires au creuset de l'Alto
et sa rivière d'argile claquant d'escaliers en ruelles, dégringolant en tabliers de nuages sur la multitude habitée de couleurs
il reste d'une paix jamais honorée, jamais assurée, le démenti de la ville qui mord et s'accroche au désespoir des monts
une ville aux dents de neige, au souffle écourté, au ventre dur du travail à venir, de la force tendue, des muscles arqués contre toutes les cordillères
de terre et de sang, d'argent pur, ou de prêches illusoires
dos au mur face à la désolation du vide, La Paz ouvre d'un cri le fond de sa gorge érodée
pour un non, pour un oui, pour un chant de fièvre au ruissellement de ses pavés

 

luna.31

 

D'autres photos de La Paz et de la vallée de la Luna

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 15:26

le Chili celèbre à tout moment Neruda comme un héros national...

Ses maisons sanctuarisées offre au voyageur le visage étonnant et contradictoire d'un homme de la terre qui se vivait en capitaine d'un bateau définitivement ancré, d'un gamin pauvre qui ne s'est pas lassé d'accumuler de son vivant des collections folles et désordonnées d'objets célébrant la beauté et le travail des hommes

 

mais ce que l'on retient avant tout ce sont les mots emportés de souffles choqués par la rencontre impossible de la violente profondeur Pacifique et de la hauteur Andine, d'un homme seul face à l'océan et de la multitude du peuple

 

entre tous ses écrits je découvre au fil de ses 3 maisons (Isla Negra, Chascona, Sebastiana) un petit bouquin qui réunit son discours de réception au prix Nobel en 71, et celui qu'il prononça après son retour au Chili en Nov 72, à la fin de sa mission d'ambassadeur en France ( il était déjà très malade, et mourut un an après, cad 10 jours après le coup d'état du 11 septembre 1973).

Ce dernier discours , hélas prémonitoire, où il met en garde son pays contre la tentation de guerre civile, rend hommage à Allende et au peuple qui l'a élu, ainsi (ironie du sort) qu'à l'armée supposée légaliste encore à cette époque en particulier au Général Prats qui le reçoit à la place d'Allende voyageant à l'étranger. Prats sera assassiné par son "frère" d'arme Pinochet un an après le Golpe. Ce discours a été prononcé dans le stade de Santiago où les putschistes réuniront les opposants et passeront nombre d'entre eux par les armes (dont Victor Jara, le chanteur à qui ils couperont les mains)

 

http://www.mundolatino.org/cultura/neruda/neruda_3.htm

(discours de réception du Nobel)

 

San.09

 

 

... et puis une édition intégrale ( en espagnol bien sûr) du Canto General, sorte d'Odyssée de la terre et des peuples amérindiens dont voici un extrait qui concerne la destruction de Cuzco par Pizarre , l'analphabète, et ses frères

http://www.alisupay.org/web/index.php?option=com_content&task=view&id=71&Itemid=2

 

 

Cita de cuervos, XIII Canto General.  Pablo Neruda

En Panamá se unieron los demonios
Allí fue el pacto de los hurones
Una bujía apenas alumbraba
cuando los tres llegaron uno a uno

Primero llegó Almagro antiguo y tuerto,
Pizarro, el mayoral porcino
y el fraile Luque, canónigo entendido
en tinieblas. Cada uno
escondía el puñal para la espalda
del asociado, cada uno
con mugrienta mirada en las oscuras
paredes adivinaba sangre,
y el oro del lejano imperio los atraía
como la luna a las piedras malditas.

Cuando pactaron, Luque levantó
la hostia en la eucaristía,
los tres ladrones amasaron
la oblea con fosca sonrisa.
"Dios ha sido dividido, hermanos,
entre vosotros", sostuvo el canónigo,
y los carniceros de dientes
morados dijeron  "Amén".

Golpearon la mesa escupiendo.
Como no sabían de letras
llenaron de cruces la mesa,
el papel, los bancos, los muros.

El Perú oscuro, sumergido,
estaba señalado y las cruces
pequeñas, negras, negras cruces,
al Sur salieron navegando:
cruces para las agonías
cruces peludas y filudas,
cruces con gancho de reptil
cruces salpicadas de pústulas
cruces como piernas de araña
sombrías cruces cazadoras.  

Isla.02

 

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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 23:18

si haute la terre qu'il se sent à l'étroit, et bourgeonne, et se ramasse pour mieux frapper le ciel
entre deux aires, entre chimère livide et sable des volcans, entre neige et ardeur, entre toit et profondeur des caves, entre moi et l'abîme, le nuage dessine chaque seconde une aurore où la lumière s'applique, se resserre et croit derrière le vent qu'elle est un autre jour
la forme qu'il tourmente jusqu'à la faire crever, c'est l'espace où je marche à l'envers, où l'enflure de la peau révèle un mal qui cherche un peu de pluie
il s'étale, là où son secret s'évente, fait de larmes perdues que le soleil assèche
et tombe à la renverse, fugue orchestrale de bouches flottantes qui donnent raison à mon silence


reste le bleu immatériel et le vide
et l'absence

 

P1020308

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1 janvier 2011 6 01 /01 /janvier /2011 01:59

 

Puma se change en creux sur la matière grise
ses bras de pierre tissent le manteau de l’horizon céleste
au fil de la plus haute terre, l'eau ne perd pas ses droits
ne fléchit pas face à l'aplomb rebelle des rocs et des visages anciens
pacte horizontal où chaque homme signe à grand peine du nom de sa faiblesse

mais lorsqu'il se réveille et tire son oeil de lave à l'assaut des nuages
Puma devient l'argent, le sel et la noirceur du ciel où s'entrechoquent la lumière
le miroir de la lumière
et la cascade du miroir brisé
pacte vertical du monde sans appel où tout enfant se heurte
à la beauté intouchable

alors dans la fonte et le glacier
dans le chaudron ruisselant du lac
en rêveur de conquête et de feu
commence à battre son cœur de fauve illuminé
l'âme appelle à son tour le frère, l'ami, le maître, l'amant
au centre rouge de la nuit
et songe à l'étoile glacée de son amour perdu

Puma s'endort, lové dans le silence désolé et nu
de l'altiplano qui défile
ne reste que la merveille chez tout homme enchâssée
dans la profondeur sombre des eaux immobiles

mais si son cœur cesse de battre
que fera-t-il de la beauté ?

 

lac titiKaka

 

le lac TitiKaka ( Puma couleur de pierre grise en Aymara) est partagé entre la Bolivie et le Pérou

Chez les peuples pré incas, qui peuplaient les alentours du lac (civilisation de Tihuanaku) le lac symbolisait le Puma, qui représente aussi le monde visible et le coeur de l'homme

le monde supérieur est représenté par le condor, qui correspond à l'esprit humain (le cerveau) et le monde invisible et sous terrain par le serpent qui est aussi la colonne vertébrale de l´homme

bel exemple de lucidité analytique de faire de ce monde d'en bas, (certains diraient "inconscient") ce qui nous tient debout !

 

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